Le 18 juin 2020
HAAAA la maison en A !
La maison d’Alex et Aurélie
Nous avons une maison toute bizarre, peut-être que ça intéresserait STRADA ? Une maison bizarre ? En triangle ? Aurélie a piqué notre curiosité. Son mari, Alex, n’était pas tout à fait du même avis : Tu n’es pas gentille avec notre maison… a t-il relevé.
Alors, bizarre, ou pas ? En tout cas pas courante. Un type de forme qu’on rencontre dans les Alpes, en montagne, avec sa pente de toit à 60° pour faire descendre plus vite la neige. Une cabane pour certains, une cathédrale pour d’autres, tout dépend de l’endroit et de la façon dont on la regarde, mais pour Alex, paysagiste, elle s’intègre parfaitement dans l’environnement.
Nous, on aime les constructions de caractère dans lesquelles s’impliquent leurs concepteurs, des hommes et des femmes qui osent croire en leur rêve et le réalisent.
Ils en avaient marre de la location et souhaitaient vivre proches de la nature, mais lorsqu’ils ont commencé à visiter des maisons à vendre, ils sont allés de déconvenue en déconvenue. Finalement, construire ne semblait pas si stupide… mais les parcelles qu’on leur propose sont vraiment trop minuscules. Jusqu’à ce qu’Alex déniche un terrain de 7600 m2, dans un hameau de la commune de Saint-Etienne-Lardeyrol, en bordure de forêt. Coup de coeur et coup de tête, le couple décide immédiatement d’acheter. Bonne intuition, car le voisinage s’avère particulièrement sympathique et que la configuration du terrain autorise la construction de la maison atypique qu’ils envisageaient…
Leurs deux amis architectes, Nicolas Terrasse et Audrey Chapuis sont invités sur le terrain pour prendre la mesure du projet : l’envie d’Aurélie et Alex se porte sur une maison en forme de A ! Deux pentes de toit assemblées comme deux cartes qu’on essayerait de faire tenir l’une contre l’autre, avec deux pignons vitrés pour avoir une vue traversante et baigner dans la lumière.
Le terrain est en pente, il s’avère en partie constitué d’argile, le rendant instable, le projet cumule donc les difficultés techniques avec un budget serré.
Comment réussir à obtenir une maison atypique pour le prix d’une maison classique ?
La commande se porte uniquement sur une maison hors d’eau, hors d’air. Pour le reste, les cloisons, les parements, le parquet, la mise en place de la salle de bain et de la cuisine… Aurélie et Alex se débrouilleront. Ils sont bricoleurs et Aurélie adore la mécanique. Ils sont tous deux en forme, sportifs, ils pratiquent ensemble VTT, kayak et escalade. Enfin ils sont tous deux entrepreneurs, avec l’habitude de s’arracher au travail sans compter les heures ni économiser leur énergie. L’autoconstruction correspond donc à leur profil et leur philosophie.
Aurélie & Alex
La superficie ? On rognera sur les mètres carrés sans difficultés : pour le couple et les deux ados, l’habitat fera moins de 90 m2. Aurélie précise qu’il s’agit d’une superficie loi Carrez, c’est à dire sous une hauteur d’au moins 1,80 mètre, une précision importante vu la configuration de la maison. Alex souligne que, de toute façon,« un ado avec 10 m2 et une télé il s’en sort »,preuve fut faite pendant le confinement. Et les enfants vont quitter la maison bientôt… Bref, se lancer dans la construction d’une habitation de taille légèrement plus modeste que le standard n’est pas du tout un problème, mais un choix.
La terrasse pourra se transformer en jardin d’hiver et un ponton se rajouter. Viendra aussi, un jour, l’atelier, parce qu’entre le matériel sportif, le matériel pro et la mécanique vélo, un espace supplémentaire sera apprécié. Mais chaque chose en son temps. Les habitants comptent expérimenter la vie dans la maison avant de décider d’aménagements à plus long terme.
La matière ? Ce sera principalement du bois parce que c’est plus facile à travailler que la pierre pour les deux compères. Plus rapide aussi : la pose de parois et de plancher par grands panneaux d’épicéa de 2 mètres par 5 mètres, ça envoie !
Les maitres mots du chantier ?
Rapidité d’exécution.
Simplicité.
Sobriété.
La construction en détail
Les plans ? Vite faits, bien faits. Aucune modification n’a été apportée à la proposition initiale. Tout s’est enchaîné aussi miraculeusement.
Le terrassement fut minimaliste car la pente du terrain a été conservée. D’un coté la maison est à fleur de terrain, de l’autre côté les deux mètres de différence de niveau ont été mis à profit pour la réservation d’une cave/cellier/local technique de 35 m2. Les tranchées de la phytoépuration ont été prévues.
La charpente a été amenée sur place pour assemblage au sol avant d’être dressée. Dix-sept fermes ont ainsi pris place sur une orientation sud-ouest / nord-est. A chacune de leurs extrémités un sabot (image 1) sur mesure l’arrime aux longrines, une poutre horizontale reprend la charge et supporte le plancher ( image 2).
S’ensuivent la couverture en bac acier (image 3) et l’isolation : 30 cm de laine de bois en parois, et de la ouate de cellulose sous plancher.
Il y eut des moments incertains et drôles, par exemple quand il a fallu poser les longs panneaux d’épicea en paroi, difficiles à manipuler en aérien. De l’avis d’Aurélie : « Il ne faut pas trop réfléchir, on y va, et on voit comment ça se passe… » ; avec l’aide d’amis et d’échafaudages, l’affaire fut réglée en seulement deux week-ends.
L’agencement n’était pas évident non plus, la maison ne comportant pas un seul mur vertical utilisable. Aurélie et Alex ont là encore opté pour la sobriété. Un gros tri fut nécessaire.
Leur cuisine, faite à 4 mains, est une réussite, même s’ils souhaitent faire encore mieux.
L’ efficacité de leur système de phytoépuration a été vérifiée : lorsque les eaux usées arrivent dans la mare elles sont saines et utilisées pour la boisson et les ébats des animaux : 3 lapins, 2 oies, 1 canard et des poules, un chat et un chien.
Avec le jardin potager de 300 mètres carrés et la serre, Aurélie et Alex comptent avoir une certaine autonomie alimentaire au moins à la belle saison. Le reste du terrain reste en prairie, parce que c’est beau, tout simplement.
« Nos voisins sont formidables. »
Nous avons rencontré nos voisins avant le début des travaux et nous leur avons présenté le projet architectural. « On n’a pas su très bien expliquer, parce que, jusqu’au bout, même quand les fermes étaient dressées, la plupart cherchaient encore où seraient les murs. Bizarre, cette maison…
Au quotidien, ils échangent des cadeaux, des plants et des services…
L’intégration n’est pas seulement paysagère, mais aussi humaine.
Auto constructeurs :
Attention aux assurances
Alex et Aurélie se sont trouvés confrontés à une nouvelle obligation légale.
L’assurance dommage-ouvrage est obligatoire depuis janvier 2019 pour toute personne qui fait réaliser des travaux de construction par une entreprise. Elle permet en cas de sinistre d’être remboursé rapidement de la totalité des travaux de réparation des dommages couverts par la garantie décennale. Lorsqu’on contracte un emprunt immobilier, la banque demande l’attestation d’assurance mais lorsqu’on est auto-constructeur, pas facile d’obtenir le sésame. Il vous en coûtera, même pour de petits travaux, au minimum 1 500€, et jusqu’à 10% du montant du chantier selon les risques. Un budget à prévoir et une nouvelle contrainte qui ne facilite pas l’affaire des auto-constructeurs. La charge administrative et juridique pourrait les décourager.
Posté par Joëlle Andreys