Le 04 décembre 2015
Si vous avez eu l’occasion d’aller dans les Alpes ou les Pyrénées, on vous a sûrement parlé d’un des emblèmes de la région : le CHAMOIS ou L’ISARD (nom pyrénéen du Chamois) mais savez-vous que cette espèce existe également dans le Massif Central, surtout sur la partie auvergnate, suite à des réintroductions ?
Le Chamois, appelé aussi Rupricapra Rupricapra, ou chèvre des rochers, est surtout présent sur l’ensemble de la chaîne alpine (France, Italie, Suisse, Autriche, Allemagne, Slovénie) mais une dizaine de sous-espèces existent à travers l’Europe, comme l’Isard (plus petit que celui des Alpes) ou le Chamois des Abruzzes en Italie du Sud (assez proche de l’Isard).
Dans le Massif Central, des réintroductions de Chamois des Alpes ont eu lieu à la fin des années 70 dans le Cantal. Par la suite, l’espèce s’est implantée naturellement dans le Sancy et les gorges de l’Alagnon, où l’on en dénombre au moins un millier malgré la pression de la chasse. Une réintroduction est en cours dans les gorges du Tarn en Lozère, avec malheureusement quelques difficultés d’acceptation par des éleveurs locaux (par manque de connaissance de l’espèce et un conflit en rapport avec les populations de sangliers) et un projet, bloqué à l’heure actuelle, est à l’étude en Ardèche (très favorable à l’espèce).
Où peut-on voir du Chamois en Auvergne ?
Dans le Cantal :
Le massif du Peyre-Arse, autour du Puy Mary, où il y a le plus gros effectif du Massif Central – autour de 200 animaux.
Le Rocher de Laqueuille, sur la commune de Dienne, bientôt réserve régionale (une vingtaine d’animaux).
Les gorges de l’Alagnon et affluents entre Massiac et Ferrières-Sainte-Marie (une cinquantaine d’animaux).
Les gorges de la Rhue-Dordogne, avec quand même peu d’animaux (une dizaine).
Dans le Puy de Dôme :
La vallée de Chaudefour-Val d’Enfer dans le Sancy (une centaine).
Ailleurs, les populations sont très rares, voire inexistantes (comme le Puy de Dôme), alors que l’Auvergne et le sud du Massif Central possèdent des capacités d’accueil beaucoup plus importantes, comme les gorges de l’Allier ou les montagnes cévenoles.
Quels milieux préfère-t-il ?
Il a une adaptation très élastique, même s’il recherche les milieux rocheux et les pentes herbeuses abruptes (probablement par sécurité face au danger). Par contre, il peut vivre aussi bien en montagne qu’en plaine, même en zone méditerranéenne, du moment qu’il y a une zone rocheuse pour se protéger en cas d’attaques. D’après une étude sur le sujet, la survie des jeunes y semble meilleure qu’en haute montagne. Il ne commet aucune atteinte à son environnement, notamment par le surpâturage ou l’érosion des sols (contrairement aux bétails parfois trop nombreux en montagne par rapport à la surface) et les dégâts sur les arbres (résineux) sont très faibles.
Est-il facile d’approche ? Et quelle est la meilleur période pour l’observer ?
C’est une espèce diurne, mais qui supporte mal la chaleur et préfère donc les versants froids au Nord, surtout en été et, par instinct, il reste à distance. Novembre-décembre (la période du rut) semble être la meilleure période pour l’observer ainsi que le début du printemps pour assister aux acrobaties des cabris, si le vent n’est pas de la partie.
Pourquoi réintroduire une telle espèce?
Le Chamois serait présent depuis belle lurette chez nous sans la chasse et les infrastructures routières (Vallée du Rhône en particulier), donc il paraît normal que l’homme répare ses erreurs et crée un corridor entre les Alpes et le Massif Central, et puis en cas de pandémie.
Quels sont les prédateurs du Chamois?
La chasse principalement, avec les conditions météo (les avalanches, surtout), en troisième position viennent les chiens errants, puis les maladies infectieuses comme la kératoconjonctivite, qui peut le rendre aveugle, la bronchio-pneumonie, et pour terminer le loup en meute, surtout efficace par neige profonde, le lynx dans de très rares endroits (essentiellement le Jura) qui ponctionne une faible part, et l’aigle royal pour les cabris (de manière anecdotique).
Conclusion :
Le Chamois, comme d’autres espèces d’ailleurs, participe au renouveau de la « grande faune » pour le plus grand bonheur des amoureux de la nature, pour qui l’espèce incarne la sauvagerie et la haute montagne.
Anecdotes :
Il y a une quinzaine d’années, du côté des gorges de la Loire, en aval du Puy, où je fais souvent du suivi de rapaces, j’ai pu observer un animal que j’avais pris au départ pour un Chevreuil. Après un examen plus poussé, j’ai compris que ce que je prenais pour un Chevreuil était bel et bien un Chamois. Aussitôt, je posais la question à des gens du coin, pour savoir s’ils avaient entendu parler de cet animal et une dame d’un certain âge m’affirma qu’il y en avait partout, même dans le village ! Je me suis dit que c’était un gag et, en effet, la pauvre dame avait compris des « Siamois »… alors que des Chamois, évidemment, elle n’en avait jamais vu ici. Idem du côté des autres habitants du village, qui étaient très agréablement surpris. Hélas, les chasseurs l’avaient bien repéré et l’ont fait déplacer dans la région de Murat dans le Cantal (en prétextant qu’il n’y avait pas assez de milieux favorables pour l’espèce en Haute-Loire), car un agriculteur se plaignait, malheureusement, ce qui n’a pas véritablement plu dans l’ensemble.
Non loin de Monistrol, sur les pentes vertigineuses et glacées des gorges du Lignon, en janvier 2015, tandis que nous faisions du suivi de rapaces, rivés à nos jumelles, ma compagne me dit soudain : « Il y a quelque chose qui bouge sous le nid du pèlerin. » Dans les taillis, nous distinguions en effet une forme sombre et massive qui remuait. Nous émîmes alors deux hypothèses : un sanglier (mais l’endroit paraissait très abrupt pour l’espèce), ou alors un candidat au suicide qui avait changé d’avis et tentait de remonter péniblement la paroi. L’idée de voir un Chamois dans les gorges du Lignon était si incongrue qu’il nous a fallu plusieurs minutes pour reconnaître que c’en était bien un. Il était magnifique, musculeux à souhait, en pleine santé, et grimpait progressivement la falaise tout en grignotant du lichen ici et là, jusqu’à s’approcher du nid du faucon, qui en eut d’ailleurs une peur bleue et s’enfuit à tire d’aile. Puis notre Chamois choisit de rebrousser chemin et se mit à faire de merveilleuses ruades et cabrioles dans les sous-bois, jusqu’à ce que nous le perdions de vue. Nous rentrâmes à la voiture enchanés de ce spectacle de premier choix. Hélas, nous apprendrons quelques mois plus tard que l’animal a été abattu pour s’être rendu coupable d’avances un peu trop poussées aux brebis d’un éleveur voisin. N’aurait-il pas été possible de le déplacer auprès de ses congénères du Nord-Ouest du département ? Pourquoi tuer ?
Posté par Olivier PUTZ