Le 11 septembre 2023
Edito N°62 automne 2023
Le problème de nos enfants d’abord hurlants puis déprimés serait, selon l’enquête de Michaeleen Doucleff*, qu’on ne saurait pas leur donner une place dans la communauté.
Cette journaliste, mère d’une petite Rosy colérique et intraitable, est allée chercher une solution pédagogique chez les peuples primitifs. Elle a vu des enfants calmes, serviables, un fantasme d’enfant sage : comme cette petite fille maya qui, au réveil, se mettait à la vaisselle sans qu’on lui ait rien demandé. Pour quelle raison ? Parce que ça rend service à la communauté, a-t-elle déclaré. On se frotte les yeux.
Ce qui souvent met l’enfant le plus en joie, ce n’est pas d’avoir choisi le T-shirt Reine des neiges à la place de celui de La Petite sirène, ni de manger des frites au lieu des haricots verts, c’est tout simplement d’accompagner l’adulte au travail, de faire la cuisine avec lui, de participer à la vie de la tribu, écrit l’auteure. D’avoir sa place, non pas comme un être fragile et exceptionnel auquel on demande sans arrêt son avis, mais comme un membre à part entière du groupe social, responsable et autonome.
Donc, pour qu’un enfant soit épanoui (pas frustré, ni colérique, ni capricieux…) il faudrait qu’on le laisse coopérer librement au quotidien de la vie de sa famille, de sa classe.
Je reste sceptique sur l’absence, chez les peuples premiers, d’enfants têtes-de-lard qui n’arrivent pas à rentrer dans le moule, et toute aussi dubitative sur des solutions qui fonctionnent dans tous les cas de figure. Mais la conclusion de Michaeleen me semble intéressante. Elle m’évoque une autre étape de la vie d’un individu : le passage à la retraite. Certaines personnes évoquent alors un grand vide, associé à la perte de vie sociale. Le sentiment d’être inutile. La réponse qu’on leur fait ? On leur propose des loisirs, comme à des enfants.
En fait, ce dont on a besoin, à 4 ans comme à 64 ans, c’est être intégré dans la vie de la société.
Pas question de performer, seulement d’ajouter sa pierre à l’édifice, même si c’est un gravier de pouzzolane. Ça vous rappelle peut-être quelque chose ? L’histoire du colibri bien sûr ! Qu’importe combien on transporte d’eau pour éteindre l’incendie, que ce soit les six mille litres d’un Canadair ou ce que contient le bec d’un oiseau, l’important est de participer à sauver le bien commun, de faire équipe, c’est de faire notre part.
* Chasseur, cueilleur, parent de Michaeleen Doucleff – Editions Leduc
Posté par Joëlle Andreys