Chaudeyrolles.
Un site exceptionnel qu’on découvre en montant au sommet du Mézenc, en redescendant par la route touristique des Estables ou en empruntant un des multiples chemins de randonnée du massif. On s’arrête plusieurs fois sur le parcours, subjugué par le spectacle de la nature.
Dans ce pays de volcans, un cratère d’explosion dessine les contours de l’ancienne tourbière aujourd’hui zone humide protégée, écrin de douceur traversé par deux paisibles cours d’eau. La périphérie est rompue au sud par la brèche de la cascade du Salin, que surplombe le rempart phonolitique des dents du diable puis par deux hauts sommets du sud du massif central. La puissance minérale rejoint dans le cirque la fragilité toute relative de la flore d’altitude. Dans le cratère, le village rassemble les habitations occupées par une centaine d’habitants, 7 fois moins qu’au début du XXème siècle. Pour autant, ceux qui vivent là vous le confirmeront, 300 à 500 véhicules traversent chaque jour le bourg, l’été.
Le Mézenc agit comme un aimant, et Chaudeyrolles est dans son champ magnétique.
à la recherche d’une maison de caractère
Au retour d’une balade, nous passons par le bar du village juste à côté de la Maison du fin gras, le fameux bétail du plateau richement nourri par une herbe d’altitude, aux parfums d’exception. L’air est vif. Des chevaux sont attachés à la balustrade, des vélos appuyés contre le rebord du trottoir, quelques personnes attablées à l’extérieur profite des rayons du soleil de fin d’après midi autour de menthes à l’eau ou de bières locales. En fond sonore, les tubes des années 80 rajoutent à l’impression d’étrangeté du lieu et de l’instant, hors du temps.
Coup d’oeil sur les constructions alentours. Quelques toitures en lauzes épaisses subsistent au milieu de rénovation de tuiles grises. Pas de chichi. Quelques brins d’herbes pugnaces ont poussé sur le toit de l’église en pierres. Robuste, construit en trachytes du pays (site de Vialard au village ardéchois de Saint Clément tout proche) il ne risque pas de s’écrouler celui-ci !
Une verrière un peu bricolée nous fait de l’oeil : quelqu’un profite ici du soleil et d’une vue magnifique. On nous indique Tintin, occupé à rafraichir les joints de la façade, en compagnie de Canou, son déluré border collie. Je vais demander à mon père, nous répond-il, avant de fixer un rendez vous pour une visite de la maison familiale quelques jours plus tard.
on visite !
Cette fois il pleut. Le ciel est bouché, le diable ne montre plus ses dents. Mais l’intérieur de la maison est chaleureux, l’accueil de Jean Sébastien dit Tintin et de son père, Jacques, aussi. Quelques peaux de moutons jetées sur les fauteuils, de grands cadres dorés autour de miroirs renvoient la lumière offerte par une baie vitrée à l’ouest, ouvrant sur le théâtre naturel. Quelque part par là se trouve la ligne de partage des eaux, d’un côté celles qui coule vers l’Atlantique, de l’autre celles qui rejoignent la Méditerranée.
Jacques Ferlay raconte son arrivée à Chaudeyrolles et comment il a trouvé sa maison :
« Je pratiquais l’enduro ; après la traversée de la Corse et de la Mauritanie, je me suis retrouvé un jour avec ma moto, au sommet du Signon, c’était le crépuscule. Un point de vue incroyable. Le paradis de la marche, du ski, du vélo et de la moto avec des personnages de dingue, des figures. A l’époque, dans le village de Chaudeyrolles, il y avait un bistrot clandestin, chez Gaby, bien toléré par tous, même les gendarmes s’y arrêtaient boire un verre. Le père Rochette, un vieux sage, un poète, connaissait les bornages de chaque pré, et des allégories sur tous les habitants, les morts et les vivants. Le patois rajoutait de la couleur. J’ai cherché une maison pour m’installer. Rien à vendre m’a t-on répondu. Dans ces hautes terres, on est hospitalier mais méfiant. Deux ans plus tard, en 1982, après plusieurs séjours au Mézenc, le Père Rochette m’a présenté la maison qu’il avait choisie pour moi. »
C’est une ancienne ferme
En haut la grange, en bas il y avait les bêtes et le carré d’habitation, resté dans son jus.
Les grandes et lourdes dalles au sol, les « calades », évoquent ceux qui les ont foulées avant nous. La vie était rude et le confort plus que sommaire. Derrière les doubles portes, des lits placards exigus avec leurs paillasses. On se tenait au chaud, debout dans la grande cheminée, tandis que la fumée affinait les saucissons qui pendaient aux clous plantés dans les solives rondes. Jacques, qui a déjà retapé un hameau à côté de Lyon, perçoit tout de suite le potentiel de la bâtisse. Il ne modifiera pas ce trésor patrimonial – rares sont les carrés d’habitation avec leur ensemble de placards en bois aussi bien conservés – mais rajoutera une cuisine et une salle de restaurant dans l’étable à côté.
La gérance de l’auberge est d’abord confiée à son ami cuisinier Jacques Blanc
L’auberge Jean le Dindon apparait alors dans le prestigieux Gault & Millau. Les quatre gites aménagés dans la grange sont toujours pleins. D’autres gérants se succèdent jusqu’en 2012, puis Jacques et son épouse tiennent eux-mêmes la boutique pendant 5 ans. Musicien, Jacques a gardé des relations, c’est ainsi que les Rita Mitsuko, Les garçons bouchers, Jean Ferrat… – pour ne citer qu’eux – viennent pour quelques heures ou quelques jours à Chaudeyrolles.
« On a passé de grands moments, se rappelle Jacques, mais c’était très dur. Il fallait faire le maximum avec un minimum de personnel et l’activité empiétait trop sur la vie privée.»
Son troisième mariage a périclité, l’auberge aussi. Mais l’homme s’en est remis. Le patrimoine a été dispatché entre ses cinq enfants. C’est ainsi qu’il partage sa maison avec son fils Tintin, qui occupe aussi une cabane à l’entrée du village et un autre de ses fils vient d’acquérir un logement mitoyen. La famille venue d’ailleurs est désormais solidement ancrée au village : des habitants bien intégrés, présents toute l’année.
Les bonnes idées de la maison
Du bois peint en blanc dans la pièce principale. Tous les bois – poutres, plafonds et sols – ont été peints en blanc, la teinte adoucit le gris des pierres, sans rien enlever de leur caractère.
Ils ont commencé par bien isoler. Dès le départ 30 cm de laine de roche ont été mis sous le toit. Ils ont aussi doublé les murs au nord.(isolant + paroi en bois).
Une tropézienne à Chaudeyrolles
Le toit qui descendait bas a été coupé dans sa pente. Une partie horizontale a été étanchéifiée et est recouverte d’un dallage de lauzes à larges joints. Cette partie intègre désormais un toit-terrasse bien abrité des vents et des regards sur trois côtés, sur le principe d’une tropézienne. Des murs maçonnés ont été remontés et finis par des lauzes horizontales.
Inspiré par une descente de cheneau vue dans une maison de l’artiste Max Ernst, Jacques a reproduit son système de récupération d’eau de pluie qui oublie la rationalité de la verticalité au profit d’un jeu de plans inclinés. Une différence toute singulière : des faitières en pierres de pays dirige le parcours de l’eau.
L’ajout d’une verrière
Le métal oxydé puis stabilisé, a un bel effet rouillé : on pourrait croire que la verrière est là depuis longtemps. Si l’idée n’est pas d’aujourd’hui, la réalisation fête son deuxième été. Un ami métallier a préparé les cadres de la porte et la structure métal, toute en angles, un vrai casse-tête pour la dessiner. Equipée de double vitrage, elle a été mise en place à l’aide d’un camion grue. À l’extrémité, trône le canapé des beaux jours d’hiver, comme suspendu dans le paysage.
La verrière est la pièce maitresse de mi-saison. Le toit-terrasse qui la prolonge est utilisé principalement l’été.
Ces deux transformations, en plus d’être agréable à vivre toute l’année, ont l’avantage de rendre traversants les différents espaces, sans altérer les volumes qui restent harmonieux.
On fait avec ses moyens
La rénovation de l’étage date d’une trentaine d’années : les lambris rappellent les premières années, alors que les parois recouvertes de plancher de 30 mmm signalent les années plus fastes. Le mobilier et la décoration, en grande partie de récup’, côtoie des ajouts plus récents, sobres, avec de beaux bois massifs. On remarque les tenailles, ces arcs boutants de la charpente, des bois qui descendent très bas dans les murs latéraux. Cette technique prenait en compte le poids de la neige ajouté à celui des imposantes lauzes qui recouvraient le toit. L’ensemble nécessitait des renforts conséquents. Jacques n’a pas gardé la couverture de pierre, trop onéreuse a restaurer. Elle a été vendue et protège désormais le bâtiment des Sources de la Loire au Mont Gerbier de Jonc tandis que 3 VLux© ont pris place sur la maison de Chaudeyrolles.
Le chauffage
Le chauffage était assuré par l’insert installé dans la pièce principale. Un astucieux système de récupération d’air chaud , lorsque la température est suffisante, déclenche la ventilation d’air chaud dans les pièces de l’étage. La même logique de récupération d’air chaud a été appliqué à la verrière. Lorsqu’il y fait 25°, l’extraction se met en route, direction la maison. « La domotique, assure Bastien, ce n’est pas bien compliqué. Des mini processeurs achetés sur Arduino 30 ou 40 € se programment facilement. On peut aussi récupérer des ventilateurs d’ordinateurs. L’étape la plus délicate consiste à régler le débit et la pression. » Les plus bricoleurs de nos lecteurs s’y essaieront…
Depuis peu, une pompe à chaleur couplée à un chauffeau thermodynamique est venue rajouter du confort thermique à cette maison d’altitude. Dommage qu’elle ait dénaturé l’entrée… Elle a encore son arcasse, sorte de sas en pierre traditionnel.
Posté par Joëlle Andreys