« Le hameau de Clamonet coule des jours paisibles entre le bruissement des insectes dans les blés alentour et la sentinelle bleue du pic du Muguet qui domine le Cézallier. C’est là qu’Angélique et Benoit ont décidé de construire leur maison, sur un joli terrain qui regarde l’horizon et part sur la nature côté sud, avec parfois le petit bonjour d’un lapin, d’un renard, ou même d’une biche… »
Cette jolie introduction, je l’ai trouvée dans la notice d’intégration. du permis de construire d’Angélique et Benoit. Une entrée en matière surprenante dans un dossier administratif ! Michel Léger, du cabinet d’architecture et maîtrise d’ouvrage Bélénos à Brioude, nous plonge dans l’ambiance bucolique qu’a choisie le jeune couple pour s’installer avec ses deux enfants, à 10 km de Brioude, à mi-chemin du travail de Benoit (à Issoire dans le Puy-de-Dôme) et de celui d’Angélique (à Murat dans le Cantal.)
Départ d’une nouvelle vie
Je rencontre les heureux propriétaires un jour ensoleillé, mais froid. Gaston et Aurore ont un bonnet sur leur tête d’enfant. Benoit est en t-shirt, avec une doudoune à manches courtes, enfilée seulement parce qu’il a le rhume… sinon il s’en passe bien, souligne Angélique, qui m’explique qu’ils passent tous quatre beaucoup de temps dehors quelle que soit la météo.
Depuis qu’ils habitent dans leur maison bioclimatique leur mode de vie a changé. Plus tourné vers l’extérieur, plus simple… Leur façon de consommer aussi s’est modifiée. Angélique et Benoit ont découvert le fonctionnement des AMAP, ils ont. transformé leurs habitudes alimentaires, cuisinent tout ce qu’ils mangent à partir de produits locaux le plus souvent achetés en direct, préparent aussi leurs produits ménagers et cosmétiques, bricolent… finies les courses à l’hyper. L’équipement de la maison est cohérent avec leur démarche : « Pas de robot de cuisine mais une batterie de couteaux de Thiers et une bonne perceuse-visseuse ». Cette observation sonne comme une maxime pour un quotidien harmonieux. À retenir.
Leur fibre écologique s’est révélée progressivement, en même temps qu’ils devenaient attentifs à la courbe du soleil dans le ciel depuis les larges ouvertures de l’est à l’ouest, appréciant l’apport de chaleur et la lumière qui irradie tout le jour dans les pièces à vivre et le chant des oiseaux, omniprésent.
Serait-ce de respirer dans et avec leur maison bioclimatique qui a modifié leur perception du monde ?
« On n’était pas comme ça avant de se lancer dans le projet immobilier et d’être chez nous » affirme le couple. Ils ne connaissaient rien à la construction mais avaient en commun un tempérament curieux, une tendance à la précision, à aller au bout des choses. Du coup, lorsqu’ils ont rencontré Michel Léger, de Bélenos, qui leur a expliqué le fonctionnement d’une maison bioclimatique, ils ont totalement adhéré à cette façon intelligente de concevoir la construction d’un habitat adapté à son environnement et économe en ressources. Cette rencontre avec Bélénos est d’ailleurs un vrai coup de chance. Benoit et Angélique voulaient travailler avec un architecte mais, les produits clefs en main des promoteurs ne les ayant pas convaincus, ils ont contacté le cabinet le plus proche de leur terrain et ce fut le bon. On n’avait aucune idée de ce qu’était le bioclimatique, juste l’a priori que cela devait coûter 20 % plus cher, raconte Benoit, et Angélique de renchérir : pour la petite histoire, quand Michel Léger nous a dit que le soleil allait chauffer la maison, je lui rétorquai (me croyant maligne) qu’il allait donc faire trop chaud en été… C’était sans penser que l’été le soleil est plus haut dans le ciel ! Si besoin les les brise-soleil interdisent toute pénétration dans la maison tout en laissant passer la lumière et en autorisant la vue… Le soleil est l’ami prodigue, le partenaire indispensable et radieux de ce type de construction.
« On observe tout le temps ce qui se passe dehors. Même les jours de pluie on s’émerveille du vol des hirondelles chassant au-dessus des blés«
Bref, ces deux-là ont été séduits par la logique d’ensemble de la conception bioclimatique, et le premier croquis de l’archi, qu’ils appellent désormais Michel, ressemblait en tout point à la maison telle qu’elle est aujourd’hui.
« Le soleil est l’ami prodigue, le partenaire indispensable et radieux de ce type de construction »
La maison de Benoit et Angélique en détail
Seulement 6 mois de travaux, annoncent, dépités, ses étonnants habitants : eh bien oui, ils auraient aimé mieux savourer toutes les étapes de l’élaboration de leur lieu de-vie !
Brièvement, parlons du terrain.
Positionné dans un lotissement entre deux chalets, mais une vue largement dégagée. 1 500 m2, pas plus, pour un jardin sans trop d’entretien. Un accès par un chemin bien pratique pour les vélos des enfants et pour jouer à la pétanque, Angélique et Benoit en ont refusé le revêtement goudronné.
Conception ?
En fonction du terrain et des goûts des propriétaires, et dans le respect des principes bioclimatiques, c’est-à-dire une maison compacte pour limiter au maximum les échanges thermiques avec l’extérieur, avec un tampon au nord (composé du garage d’un atelier de bricolage et d’un cellier), et de grandes baies vitrées qui laissent entrer la lumière et la chaleur du soleil au sud et sur les côtés adjacents.
Le matériau de construction ?
La structure doit avoir la capacité de stocker les calories puis de les restituer. Le béton cellulaire, avec une forte inertie, répond à ce critère. Il a aussi une bonne résistance thermique, l’ajout d’une isolation végétale d’une épaisseur de 20 cm suffit pour tenir la maison bien au chaud. Un enduit à la chaux complète le sandwich isolant et perspirant.
À l’intérieur, les occupants ont privilégié des bois locaux et des matériaux sains : « Nous avons passé une peinture écologique sans COV, achetée chez un spécialiste et des menuiseries huilées, sans solvant. C’est comme manger bio, ça ne coûte pas forcément plus cher. » Ils aiment les matières choisies, « chaleureuses, pas uniformes. »
Assainissement individuel obligatoire ?
Qu’à cela ne tienne, ils installent une phytoépuration, contents de ne pas avoir d’entretien contraignant : « Une fois par an, on taille les roseaux, et tous les 10 ans, on sortira du compost ». Il sera utilisé juste à côté dans les coffres de permaculture.
Énergie ?
Le soleil et encore le soleil ! Le soleil est le carburant des maisons bioclimatiques, une ressource gratuite, illimitée qui s’apprécie librement sans nuire à personne ni à l’environnement. Affichée dans les locaux de Bélénos, une citation tirée du film Home de Yann Arthus-Bertrand exprime bien cette idée d’abondance : « La surface de la Terre en l’espace d’une heure reçoit du soleil plus d’énergie que l’humanité n’en consomme sur une année entière ».
Pas besoin de penser à mettre la maison hors-gel lorsqu’on s’absente en hiver, la température au bout d’une semaine sans chauffage n’est jamais descendue au-dessous de 16 degrés ! Un sèche-serviette dans la salle de bain amène un confort très raisonnable et le poêle à bois de 4 kW n’a pas consommé 3 stères par an. Donc oubliez le plancher chauffant, ce n’est même pas une option.
L’eau chaude sanitaire est fournie par un ballon thermodynamique couplé à deux capteurs solaires intégré à la toiture. L’ensemble de la technique (ballon + VMC double flux) fait son office en silence et en volume restreint, depuis un placard. Ils n’ont pas lésiné sur la qualité. Tout du haut de gamme. Pas de glycol, pas de risque de gel, sytème de vidange automatisé…, pour Benoit, préposé aux réglages de saison, c’est le top : la maison est économique, chaude l’hiver, fraiche l’été, ventilée la nuit.
Fiers de leur cheminement
Se retourner sur l’aventure de leurs travaux a ému les jeunes parents. Ils mesurent le chemin parcouru.
Au début, ils étaient plutôt pragmatiques : « On consomme tellement dans une construction, on voulait le faire comme il faut, avec le moins d’impact possible en faisant travailler des artisans locaux et en utilisant des matériaux les moins transformés possibles». Ne pas faire du feu sur le chantier pour se débarrasser des déchets était déjà une évidence, malheureusement trop peu répandue. Mais, depuis, ils n’ont pas cessé de questionner leurs façons de faire. Ils ont cherché de l’information, orienté leurs lectures vers le journalisme de solutions. Angélique, professeur des écoles à temps partiel, a plus de temps que la plupart des gens pour supprimer ce qui lui semble une consommation inutile et les exemples ne manquent pas ; la poubelle met 3 semaines à se remplir, Gaston et Aurore n’ont jamais mangé un petit pot, le motoculteur a été vendu… Modeste, un peu gênée, elle tente de minimiser son engagement dans la décroissance : « il y a des choses qu’on ne remet pas en question. » Elle réfléchit… « heu… en fait je ne vois pas.. les couches ? « .
« Parce qu’on pense à l’avenir de nos enfants, on a essayé de changer les gens, de les inciter à faire comme nous. » Ça n’a pas fonctionné. Notamment à Chamalières, plus urbain, ou les collègues de travail raillent les comportements écologiques. Angélique et Benoit ont changé de stratégie, ils ne disent plus aux autres comment ils devraient s’y prendre, mais évoquent comment ils font, eux. Ils partagent leur pain au levain, pétri à la main, racontent le conte du colibri* aux enfants, ne tentent pas de convaincre, mais expliquent si on les questionne : et on les rappelle pour une recette de lessive, le fonctionnement d’une AMAP, ou le secret de la fabrication du levain…
En même temps que leur vie au quotidien évoluait vers plus de sobriété, leurs échanges sociaux, eux, se multipliaient. Au village, la vie associative est riche, quels que soit l’organisateur, les habitants répondent souvent présents. Ils tissent des liens à la bibliothèque, dans des ateliers, sur les marchés… Leur appétence pour la découverte et leurs multiples centres d’intérêt leur fait rencontrer des producteurs, des artisans… Angélique et Benoit ont développé une connaissance de leur nouveau lieu de vie, doublé d’un joli réseau amical.
Ils se sentent en accord avec des aspirations profondes « d’une vie saine, respectueuse de l’environnement et proche de l’humain». Tout ça grâce à une maison bioclimatique ?
Et voila où peut mener un choix architectural…
* Le conte du colibri illustre comment on peut participer à une action commune en agissant à son niveau, avec ses capacités. Le petit oiseau combat un feu de forêt en transportant une goutte d’eau dans son bec. Vaillamment « il fait sa part », tout comme Angélique et Benoit.
Posté par Joëlle Andreys