EPOQUE, Culture, LES UNS LES AUTRES
Le 19 décembre 2013
L’hiver n’est certes pas la saison la plus propice aux amours. Et pourtant, n’est-ce pas dans le recroquevillement des chairs et des ardeurs que se lovent les primesautières pensées du printemps à venir ? La contrition des batifolages champêtres conduit l’imagination à concevoir des ardeurs plus épanouies lors des heures chaudes. Ces hibernations forcées émoustillent les représentations mentales de situations fantasmatiques improbables. Laissons nos pensées s’aventurer sur les rivages de la passion et déposons au coin des lèvres de nos belles les mots de l’envie (l’en vit ?) ou de la pamoison … C si bon …
Les textes qui suivent sont des créations de circonstance, inspirées par la « poésie courtoise », agrémentées d’un peu de modernité grivoise.
Les mots en italique soulignés vous proposent la polysémie des termes et constituent les traductions les plus communément admises dans la grande, et diverse, aire de l’Occitanie.
Calinhaire En l’honneur de Gauseran de Saint-Leidier, XIIième siècle
Lointaine est la domina qui en mon cœur a fait sa maison
De son parfum ne suis ému tant contraires sont les vents
A ses secrètes et douces saveurs ma dextre ne fait venaison
Sa pensée reste discrète tant ses lèvres font paravents
Seul, un regard passé, m’a dès lors versé en déraison.
A cette dame, je fais serment de la chérir toujours
Je serai selon les saisons, les pensées et les lieux,
Constamment son galant et sage troubadour,
Bravement, si l’assag* survient, son amoureux.
Si fermement tenu est cet amour sans recours,
Qu’en naît un éternel courtisan vérécondieux.
*L’assag est un rite de l’amour courtois prôné par les troubadours comme suprême épreuve de fin amor, « vrai amour » et que la dame imposait à son amant : les deux amoureux couchaient nue à nu sans se toucher. (source wikipedia)
Carnavas, carnival, carnevelar En hommage à Peire Rogier, XIIième siècle
Les frimas s’éloignent, les ombres s’amenuisent,
La verdure s’éveille et les pâtures fleurissent. La sève et les humeurs s’élèvent, les seins se dévoilent,
Les émois printaniers et les charmes se révèlent.
Le renouveau des flux éveille les ardeurs,
L’hivernale sagesse recule ses rigueurs.
Les désirs explosent aux senteurs des impudeurs,
La carne gagne et montre ses vigueurs.
La rigueur et le goupillon engoncent les passions.
De ses errances il faut faire profitables créations
Jeter la céleste opprobre sur les déraisons
Afin que du plaisir, seule, soit la multiplication.
Trop de règles et de contraints phénomènes
Qui aux désirs et aux joies de l’écoumène
Opposent leurs serviles catéchumènes.
Que diable, jouissons d’une vie plus amène !
A Carême échu, quelques joies nymphéales
Avec libations et extravagances proverbiales
Livrent corps et coutumes aux inversions diamétrales
Luxures et démences s’installent en floréals.
Carnaval en ses œuvres devient festival.
Correntilha En mémoire de Na de Castelloza, XIIIième siècle
Dames qui savourez les humains,
De tant de propos dégradant les prudes vous affublent.
Dames qui jouissez d’un tournemain,
De tant de quolibets répandus les brutes vous assènent.
Dames qui appréciez les jeux de mains,
De tant de mots salaces vous dotent les abstinents.
Dames qui ouvrent leurs couches aux errants,
De tant d’opprobres vous salissent les bien-pensants.
Dames qui apaisent les rêves sidérants,
De tant de termes infâmes l’on va vous salissants.
Dames qui sont de cœur et de corps exubérants,
De tant de prêches naquirent les mots avilissants.
Dames qui osez être libertines,
De tant de violences vous fûtes la parade.
Dames qui êtes parfois gourgandines,
De tant de questions vous créez l’algarade.
Dames qui osez être coureuses génuines,
De tant d’amours partagés, merci d’être les sujettes de cette charade.
Et pour s’en aller plus avant, une lecture bien édifiante : L’Erotisme au Moyen-Age : le corps, le désir, l’amour Arnaud de la Croix, Collection Texto , Editions Tallandier, 2013
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Posté par Georges DUSSAUCE