Du 27 décembre 2024 au 27 décembre 2024
Est-ce que nous allons manger demain ?
Stéphane Linou a la bonne humeur contagieuse et un sourire de bon vivant. Et pour cause ! Il est un des pionniers du mouvement locavore en France. Mais s’il prône la relocalisation de la production et de la consommation, ce n’est pas (seulement) pour se régaler et valoriser l’art français de bien manger. Au cœur de sa démarche, une analyse des enjeux de sécurités que contient la plus vieille question du monde : est-ce que nous allons manger demain ?
Tu as une drôle de manière de faire passer ton message : tu proposes aux gens d’organiser des défis locavores ! Peux-tu nous expliquer en quoi ça consiste ?
Stéphane Linou : C’est un stress test. On imagine un confinement de 51 km autour de l’assiette, et dans ce rayon-là, on doit réaliser un repas de fête local, chic (très bien présenté) et pas cher (moins de 9,50 euros par personne, pour les ingrédients). Et moi, j’arrive avec le pinard ! Pour les plus exigeants, je propose la version COP21, qui ajoute la contrainte carbone à ce défi. Il s’agit de rester en-dessous d’1,2kg d’éq.CO2 par personne.
On dirait que c’est bon pour la santé du territoire, des gens et du porte-monnaie ! Mais quel rapport avec la sécurité ?
Stéphane Linou : Nous avons inventé l’agriculture et les villages au Néolithique et nous avons organisé nos vies autour de la recherche de sécurité alimentaire. Des siècles durant, la majorité de notre alimentation a été produite localement. Mais de nos jours, nos territoires sont sous perfusion, ravitaillés par le ballet des camions. Avoir des producteurs locaux est notre assurance-vie en cas de rupture d’approvisionnement. Nous l’avons vu au moment du Covid : nous nous sommes tournés vers eux, car quand nous sommes en insécurité, nous nous tournons vers les repères locaux qui (r)assurent.
Une rupture de l’approvisionnement alimentaire, ça risque vraiment d’arriver ? Même chez nous ?
Stéphane Linou : Oui, c’est ce que j’avais imaginé en 2008 lorsque j’ai lancé le mouvement locavore en France. J’avais alors fait le pari de ne me nourrir pendant 1 an que dans un rayon de 150 km autour de mon assiette. À l’époque, je m’étais basé sur l’hypothèse d’une pandémie grippale qui bloque les chaînes d’approvisionnement… Mais d’autres causes que j’évoque dans mon livre-enquête (comme des cyber-attaques sur la chaîne logistique) peuvent faire cesser le ravitaillement. Même chez nous, cela peut arriver : à l’heure actuelle, le rural est incapable de nourrir les ruraux. Les territoires se sont trop spécialisés.
On emploie de plus en plus l’expression « résilience alimentaire ». Peux-tu nous expliquer quels sont, selon toi, les critères qui définiraient un territoire alimentairement résilient ?
Stéphane Linou : Pour l’instant, un tel territoire n’existe pas. Il faudrait une production en quantité suffisante, diversifiée, associée aux outils de transformation, avec des acteurs locaux (restauration collective, entreprises, particuliers, distribution) qui flèchent leur consommation. Il faut que les gens cuisinent, qu’ils aient un minimum de stock chez eux. Il faut qu’ils soient conscients et préparés. La résilience, c’est la souveraineté alimentaire ajoutée à la préparation des populations.
Cette question a-t-elle de l’écho auprès des élus locaux ? As-tu déjà vu mettre en place des actions ou des outils qui favorisent la sécurité des populations sur le plan alimentaire, à court, moyen ou long terme ?
Stéphane Linou : Cela fait vingt ans que j’en parle et que je conseille les élus et les techniciens. Mais depuis le Covid, les oreilles se tendent davantage. Par l’intermédiaire de l’Institut Supérieur des Elus, je donne des formations qui sont de plus en plus demandées, visant à inscrire le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire dans les Plans Communaux de Sauvegarde. Au printemps dernier, la commune de Biriatou (dans les Pyrénées Atlantiques) a été la première commune de France à le faire. Autre nouveauté : je suis maintenant sollicité pour aider à intégrer ce risque dans les PAT (Projets Alimentaires Territoriaux).
Voici comme promis dans le magazine la vidéo qui explique les défis locavore en moins de 5 minutes !
Stéphane Linou animera une formation pour les élus des communes de Saint Germain Laprade, Lapte et quelques autres communes de Haute-Loire début janvier.
CONFÉRENCE GRAND PUBLIC
Résilience alimentaire et sécurité nationale, sommes nous prêts à une pénurie alimentaire sur le territoire ?
Le 10 janvier 2022 à 18h30, Maison Pour Tous de Chadrac
Défi locavore
Le 7 janvier : le restaurant municipal de Saint-Germain Laprade proposera un menu du 100 % local, pour 300 personnes.
TOUR DE FRANCE Locavore, un repas local, chic et pas cher
Le défi locavore :
– Se fournir dans un rayon de 51 km,
– Réaliser 3 plats bien soignés et, si possible, originaux,
– Démontrer que cela coûte moins de 9,50 euros par personne,
– Communiquer la préparation des plats, les coûts et les noms des paysans-nourriciers concernés,
– Calculer le coût carbone du repas (le calculateur vous sera fourni).
Ce sera le dimanche 9 janvier 2022.
Pour participer : 06 68 35 00 74 avant le 20 décembre.