Le 13 mars 2014
Pour donner un peu plus de relief à mon séjour, mais aussi pour retrouver des habitudes de voyageur, j’ai décidé de donner un coup de main dans un lieu que je connaissais déjà, le Centre APAEA d’Antsirabe, une association ponote, gérée par Mme BARNAUD à Mons, qui a pour but le Parrainage et l’Aide de l’Enfant à l’Adulte.
Cette association gère une cantine qui, les jours d’école, distribue 500 repas aux enfants des quartiers les plus pauvres d’Antsirabe, souvent le seul repas de la journée des petits malagasys. Tous les jours, ils sont des dizaines à attendre patiemment pour s’inscrire puis manger une assiette de riz accompagnée de feuilles de brèdes (sorte d’épinards), de haricots, de pois ou un peu de maïs. Le Centre accueille également en classe d’alphabétisation une cinquantaine d’enfants n’étant jamais allés à l’école et une soixantaine de jeunes filles de 15 à 20 ans en école ménagère pour apprendre la broderie, la cuisine, le ménage, la garde d’enfants, des petits travaux qui leur permettront de gagner leur vie après l’apprentissage. Le Centre APAEA d’Antsirabe, c’est le grand bâtiment. A droite vous pouvez voir les cuisines (avec 4 cheminées). Ma chambre est dans le petit bâtiment en brique rouge au milieu (volet rouge fermé)
Le financement des études est un réel problème pour les jeunes malgaches, alors l’APAEA aide des élèves du quartier pendant le collège et le lycée. Elle agit aussi en cas de coup dur, par exemple pour une opération ou un traitement médical, souvent hors de prix : imaginez qu’en France il n’y ait pas de Sécurité sociale !
Au Centre, il y a un bâtiment avec trois chambres pour des jeunes sans famille, généralement en train de suivre des études. Si ce n’est pas le cas, ils donnent un coup de main au Centre pour le nettoyage ou encore la préparation du repas de midi.
Ma mission : retrouver les parrainés malgaches, une cinquantaine de familles, de jeunes, de collégiens, de prendre des nouvelles, des photos et de transmettre tout cela en France aux parrains. C’est très important car sans les parrains, pas de financement et donc pas de Centre d’aide à Madagascar. La majeure partie des parrainés habite à proximité du Centre, au village d’Ampatana, le quartier des tireurs de pousse-pousse, des personnes très pauvres, concurrencées par les bus de la municipalité. La vie est très dure ici et le moindre grain de sable (maladie, mort d’un zébu, matériel cassé ou volé…) peut venir ruiner des années d’effort. C’est d’ailleurs le ravage des pluies torrentielles du début des années 2000 qui est à l’origine de la création de l’APAEA. Hormis ces recherches, je participe à la vie de tous les jours au Centre. Je donne un coup de main à droite à gauche, je touche à tout : construire une cabane pour stocker du matériel, distribuer de la nourriture le midi, donner des cours de français (hum ! je ne vais pas ressortir mes notes du collège !), faire faire du sport, du coloriage en alphabétisation, aide en informatique… Bref, je ne m’ennuie pas.
Le week-end, je visite les environs de la ville, je fais un tour au marché aux zébus, monte au lac Andraikiba ou répond aux nombreuses invitations. Tous les soirs de la semaine, je mange avec sœur Yvonne et la petite cuisinière Soa. Et une fois par semaine, c’est moi qui cuisine. Pour changer du riz et des fruits : un gratin dauphinois, pas mauvais. J’ai aussi réussi une mousse au chocolat : c’était la première fois que Soa y goûtait ! Elle a dit « Tsara be ! » c’est à dire très bon. Un civet est aussi prévu au menu mais c’est à moi de tuer le lapin… Pour le repas de Noël ma pizza fut mise en concurrence avec la pizza malgache ; résultat de ce terrible duel ? Victoire de la pizza malgache : ils ne sont pas habitués au jambon-fromage ici.
En temps que professeur de français, j’improvise. Pas question de s’endormir avec une lecture ou des exercices de grammaire et orthographe. Ce que veulent les filles de la couture, c’est entendre parler français et connaître notre mode de vie. Nous passons de la tour Eiffel à la culture des patates, de la Joconde aux autoroutes. Pour mieux me faire comprendre, je fais de grands gestes, j’essaye de m’amuser et de les amuser. J’utilise parfois des images. Par exemple, une photo de Buzz ALDRINE sur la Lune : je leur ai explique comment le 21 juillet 1969 avec Neil ARMSTONG, ils ont marché sur la Lune (toutes les filles n’étaient pas au courant). Je tourne la page du livre et une nouvelle photo m’inspire une question : « Vous savez ce qu’ils ont trouvé sur la Lune ? » Pas de réponse, mais mon sourire les intrigue un peu. « Et bien tournez la page et vous verrez ! » Elles tournent la page et me lancent des regards apeurés. Même la prof madame Minou ne comprend pas. Je ne pensais pas que la tête d’ET de Spielberg leur fasse un tel effet.
Les photos sont peut être belles, les anecdotes sympas, mais la misère et la pauvreté sont parfois extrêmes. Rien que mes baskets et mon appareil photo représentent le salaire d’une année ! Pas facile de voir les gamins hauts comme trois pommes faire la manche dans les marchés portant sur leur dos un plus petit encore.
Vincent BOYER Le voyage de Vincent au jour le jour L’asso APAEA au Puy 04 71 02 27 51
LA VIE MALGACHE A ANTSIRABE
Comment se passe la vie ici ?
Ce qui est vraiment pratique à Madagascar, c’est que beaucoup de monde comprend le français et quelques personnes le parlent très bien : merci la colonisation pour cela. Lorsqu’il faut faire quelque chose, il y a toujours quelqu’un au Centre pour me traduire. Dans la rue, c’est pareil, aucun problème pour se faire comprendre.
La rue justement, parlons en un peu. Imaginez qu’en France chaque personne ayant une maison donnant sur la rue ouvre une petite boutique ! Tout au long du trottoir, on peut acheter des fruits, des beignets de légume ou de banane, des piles et des jouets, des recharges de téléphone mobile, du riz : tout pour bricoler ou se nourrir. C’est très pratique et pour les malgaches, c’est une source de revenu même si le bénéfice doit être maigre à la fin de la journée car la concurrence est rude tout au long de la rue (même si les prix sont souvent identiques). Sur la route, il faut zigzaguer entre les piétons (comme le trottoir est encombré par les boutiques), les vélos, les tireurs de pousse-pousse, les bus, les charrettes, les kings (touk-touk à 3 roues), les voitures et les trous dans la chaussée. Bref ça donne quelque chose difficile à retranscrire sur les photos. Mais tout ce monde cohabite bien et il y a rarement des accrochages. Si vous voulez savoir, il va falloir venir vérifier par vous même !
Pas facile de montrer l’effervescence de la rue avec une simple photo !
Actuellement, c’est la saison des pluies. C’est à dire qu’il fait un magnifique soleil et chaud le matin (environ 20°) puis vraiment très chaud à midi, le ciel se couvre de nuages et généralement un orage éclate vers 4 h. Si c’est au loin, la température redevient agréable, si c’est sur Antsirabe mieux vaut prendre un parapluie ou un K-way.
Ce qui est bien avec la saison des pluies, c’est qu’il s’agit aussi de la saison des mangues et des litchis. Pauvre français qui ne connaît pas le goût sucré et merveilleux des mangues fraîches : attention de ne pas en abuser tout de même : l’autre jour j’en ai mangé 4 dans la soirée et mon estomac a eu du mal à supporter l’apport de sucre ! Quand aux litchis… comment vous dire… les meilleurs qui arrivent en France sont les moins bons d’ici. Un kilo se vend 400 ariarys en pleine saison, soit 14 centimes. Autant vous dire que j’en profite un maximum !
Moi, ma barbe et mon chapeau accompagnés d’un apalbé (un fruit au parfum divin : un fruit du jacquier en français). Quand le fruit doit tomber de l’arbre, tu te le prends sur la courge, c’est direction l’hôpital le plus proche !
Une chose sur la vie malgache : elle commence très tôt. Normal, ici on vit avec le soleil ! Donc réveil à 5 heures pour les flemmards avec une grosse matinée jusqu’à midi. Et généralement on se couche au plus tard vers 21 heure. En fait, c’est un super rythme car au moins la journée est très bien remplie. Et puis comme les gens n’ont pas d’électricité donc pas de lumière (ou lorsqu’il y en a les coupures sont assez fréquentes), vivre avec le soleil est l’idéal.
J’ai eu un sentiment de déception en arrivant le 4 décembre. Je vous ai dit plus haut que j’ai déjà fait un séjour ici en mars 2010. Et bien depuis, il me semble que la pauvreté et la pollution se sont accentuées Je vois de plus en plus de grosses voiture européennes et des 4×4 flambant neufs. Mais à coté, la population pauvre est toujours sans rien, les familles s’entassent à plusieurs générations dans des pauvres cabanes de brique. Il y a vraiment des situations hallucinantes. J’ai vu une famille de parrainés vivre à 10 dans 8 mètres carrés : pas facile pour vivre et dormir !
Si un animal est important pour les malgaches, c’est le zébu. Non seulement il permet de labourer les parcelles de riz ou encore de tirer les charrettes dans la vie de tous les jours mais en plus il a un caractère sacré. Il est symbole de richesse, de prestige et de puissance pour son propriétaire. Parfois, lors de certaines cérémonies, un zébu est sacrifié comme une offrande. Depuis quelques années, les vols organisés de zébus se multiplient et sont parfois très violents. Les paysans essayent de défendre leur cheptel mais aucune aide n’arrive de l’état et comment voulez vous lutter contre des kalachnikovs ? Le zébu est également une très
bonne viande digne des charolaises de Haute-Loire (peut être pas le fin gras du Mézenc). Un bon steak de zébu, c’est un régal.
Comme un air de far west dans la campagne malgache. Un beau spécimen !
Ici, la moyenne d’âge est de seulement 21 ans, la moitié de la population est constituée d’enfants et d’adolescents. C’est parfois impressionnant comme par exemple le jour où j’ai assisté à un baptême. Ce n’est pas du tout comme en France, on ne baptise pas un seul enfant, on fait un tir groupé dans l’église avec 150 enfants, vous ajoutez les parents, parrains et marraines, la grande église est déjà à moitié pleine. Les curés font des signes de croix sur les fronts à la chaîne et les mamelons sortent des corsages à chaque fois qu’une petite bouche crie famine.
Dans les écoles, les classes sont surchargées, (pour ceux qui y vont) il est normal de voir des classes d’au moins 50 élèves. Le niveau scolaire est assez bon car les jeunes sont nombreux à avoir le Bac et à aller à l’université. Reste que, pour la suite, les places sont chères, peu d’emploi et corruption nécessaire pour l’obtention d’un poste. Pour l’instant, sans stabilité politique, les jeunes se trouvent sans emploi.
Tout ce monde, ce sont les parents et les bébés pour les baptêmes Pas mal !
Presque tous les matins, je me réveille au son des hurlements de cochons qui se font saigner. Il doit y avoir des abattoirs dans le secteur. Ceci explique un manège qui se déroule chaque matin : la livraison des bouchers. Les demi-carcasses de porc et les quarts de zébu sont livrés en pousse- pousse ou bien avec charrettes dans chaque boutique. Le boucher se met immédiatement au travail en découpant sa viande à la vue de tout le monde et en particulier des chiens errants qui espèrent qu’un bout tombe à terre. La viande est ainsi relativement fraîche même si elle reste toute la journée exposée dans la rue.
Devant la boucherie.
Lorsqu’on se déplace dans la région d’Antsirabe qui s’appelle les Hautes-Terres, l’habitat des campagnes est très caractéristique. Le seul matériau de construction c’est la brique. Traditionnellement les toits sont en chaume de riz mais désormais il arrive qu’ils soient en tôle ondulée, si le village n’est pas trop inaccessible. Le rez-de-chaussée permet de stocker du fourrage pour les bêtes. Les chambres et cuisines sont à l’étage. Les barrières du petit balcon sont sculptées de façon décorative. En ville, les maisons des plus pauvres sont de simples cabanes. L’ensemble de la famille dort dans la pièce unique qui sert de cuisine et de chambre. Si la maison a deux étages comme à la campagne, le haut peut être loué à une autre famille ou réservé aux enfants qui y vivent lorsqu’ils ont fondé une famille.
La petite maison dans la prairie malgache.
Ici les légendes n’existent pas, les rumeurs non plus : tout est réel. Avec notre esprit cartésien d’occidental, ce n’est pas facile à comprendre et je n’ai pas de photo mais je vais essayer de vous expliquer. Par exemple les voleurs : lorsqu’ils sont repérés ou lorsqu’ils sont poursuivis, se transforment en chien pour passer inaperçus. Ben oui ! C’est plus simple que de fuir ou que de se cacher. Il existe plein de monstres étranges dont il faut se méfier. Par exemple, dans certaines forêts, une sorte de bête se place au dessus de vous si vous faites la sieste, elle lâche une première feuille qui vous tombe dessus, puis une seconde. Si par malheur la troisième feuille vous touche, vous mourrez. Dans la région de la capitale, des sortes d’ogres sont encore monnaie courante. Ils sortent uniquement la nuit, sont un peu plus grands que des hommes mais beaucoup plus poilus. On appelle ça des bibioules. Il parait que c’est le Président de la République (rien de moins) qui les tient en cage et qui les libère quand ils ont faim. Mais ça, c’est juste les « on dit ». Et puis il y a toutes les morts inexpliquées mais pour lesquelles les organes ont été prélevés sur le cadavre (!). Par exemple, les prélèvements des cerveaux sont très courants ici (je ne sais pas, par contre, si la greffe n’est pas rejetée…). J’ai essayé d’expliquer que la médecine n’arrivait pas encore à faire les greffes de cerveau (j’ai donné comme exemple Ribery), que les monstres difformes ne sont pas encore répertoriés par la science (sauf Ribery), mais j’ai senti qu’il ne fallait pas insister car cela semble les contrarier. Ne riez pas trop car les personnes qui m’ont donné toutes ces histoires sont très éduquées et ont une bonne culture. Mais bon, c’est peut être moi qui suis dans l’erreur sur tout ça, qu’est-ce que vous en pensez ?
Le voyage de Vincent au jour le jour
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Posté par Joëlle Andreys