L’ARGENT DANS LE COUPLE

Louise, 40 ans

Elle vit avec son compagnon et leurs deux enfants. Louise travaille à temps partiel. C’est un choix, dit-elle, et une chance, je profite de ce temps avec mes enfants. Chéri est cadre, il fait plus de 35 heures et ne compte pas ses heures. Chéri n’a pas de trou dans sa carrière et grimpe dans la hiérarchie de sa boite. Il gagne 2 fois et demie plus qu’elle, et vient de recevoir un décompte de retraite bien encourageant.
Et comment ça se passe pour les dépenses ? C’est équitable, répond Louise, je paye la moitié de toutes les dépenses, et, comme nous sommes économes, je m’en sors bien, j’arrive à mettre de l’argent de côté. Autant que Chéri ? Sûrement pas – elle rit – Chéri met un max de côté.
– Et ça ne te gêne pas, Louise, qu’il s’enrichisse et pas toi ?
– Pour moi, c’est une fierté de participer aux dépenses des enfants à la même hauteur que leur père.
Il lui arrive parfois d’être en colère parce que chéri la réveille la nuit pour un enfant qui pleure au lieu de s’en occuper lui-même, qu’il ne range rien, et est parfois exigeant sur les repas… mais à propos de la répartition de l’argent ? Alors que Louise gagne moins que son conjoint, qu’elle travaille plus à la maison, qu’elle a moins d’épargne, qu’elle a moins de droits à la retraite, elle considère quand même que leur arrangement est équitable. Pour ma part, je ne vois pas où se trouve l’équité dans les finances de ce foyer.

Léa, 20 ans

Elle vient de s’installer avec son compagnon. Elle est étudiante en alternance, c’est-à-dire qu’elle est la moitié de son temps de travail dans une école à Lyon, l’autre moitié dans une entreprise de Haute-Loire. Son compagnon est salarié. Pour elle, leur façon de gérer l’argent au quotidien est équitable, car, dit-elle, ils payent chacun la moitié des dépenses du loyer et des charges.
J’interroge, mais… – Ne gagne-t-il pas plus que toi ? – Oui, mais si on sort, par exemple au resto, il paye 2 fois sur 3.
Léa, donc, remercie son chéri si gentil et Chéri sera content de montrer sa puissance financière et sa générosité présumée. Dans cet arrangement, je ne vois pas de juste répartition, mais le stéréotype de genre me saute aux yeux. Je creuse un peu plus.
– Léa, mais tu payes aussi la moitié des courses ? – Oui. – Tes repas de la semaine quand tu pars à Lyon sont-ils inclus dans les courses communes ? Elle hésite. Et bien non, elle paye la moitié de courses du logement de Haute-Loire, comme la moitié du loyer et des charges, alors qu’elle n’en jouit qu’une semaine sur 2…
Elle réalise l’inéquité de sa situation et réfléchit. – Il n’y a pas de problème avec Chéri, je vais lui en parler. – Bravo Léa.
Résultat : Chéri a été conciliant de prime abord. Il a été d’accord pour baisser la contribution financière de Léa aux charges du foyer, mais à une condition… qu’elle fasse plus le ménage. Demander à sa compagne qu’elle soit femme de ménage gratos à domicile ? Je suis abasourdie. On dirait la génération de mes parents, et encore… ma mère était femme au foyer mais mon père passait l’aspirateur le samedi.

Nathalie, 60 ans

Nathalie a une anecdote à me raconter. Il y a quelques années, son amoureux décide, sans lui demander son avis, de louer son appartement pour acquérir un bien. Comme c’est en travaux, il  passe la majorité de son temps chez Nathalie. Ce n’est pas satisfaisant pour elle, mais elle commence par prendre son mal en patience. Puis elle parle de la répartition des dépenses, évoque la contribution du compagnon aux charges de son logement le temps des travaux. Chéri est surpris, presque choqué. Après quelques jours de réflexion, il revient la bouche en coeur avec sa solution. La part de dépenses de logement qu’il lui doit, il va la mettre sur un compte joint pour un projet commun futur. Comment ça, elle n’est pas contente ? 

Et oui, Nathalie voit bien que le dédommagement que Chéri lui doit ne lui reviendra pas en totalité et qu’elle perd son autonomie à décider de ce qu’elle fait de son argent en propre. En voilà une qui appris à ne pas se faire spolier. Mais vous remarquerez qu’elle vit seule, est-ce le prix à payer ? 

• Parler d’argent régulièrement
  Pas seulement une fois pour définir la part de chacun à mettre dans le pot commun, mais chaque année, à chaque achat exceptionnel (est-il bien voulu et utilisé par les 2 personnes ?) et à chaque fois que la situation financière de l’un ou de l’autre change. Parler d’argent n’est pas tabou, seulement pour ceux qui vous mangent la laine sur le dos.
• Ne pas confondre égalité et équité
  L’équité financière dans le couple ce n’est pas payer la même chose, c’est que chacun puisse avoir un niveau de vie et un patrimoine similaire.
• Identifier les dépenses
  On recense les charges récurrentes du foyer (loyer éventuel, eau, électricité, chauffage, impôts et taxes liées au logement), le montant que l’on décide de dépenser pour l’alimentation et l’entretien courant.
• Éviter le partage des charges par poste
  On peut être tenté de simplifier la comptabilité du foyer en décidant que, par exemple l’un paye l’emprunt, l’autre les courses. Dans les faits ça ne fonctionne pas. Mettez le crédit aux deux noms, et ouvrez vite un compte joint.
• Avoir un compte joint et des comptes séparés
  Les conseillers patrimoniaux sont catégoriques, c’est la chose à faire. Le compte joint est approvisionné chaque début de mois par chacun avec les sommes définies ensemble pour des dépenses communes définies ensemble également. Le ‘craquage’ c’est avec son compte perso qui permet aussi de garder l’autonomie de ses revenus, le contrôle de ses achats personnels et son intimité, et ça n’empêche pas, bien sûr, de faire des cadeaux à Chéri.

• Négocier où l’on place le curseur
  Prenons un exemple. A gagne 1600 €, B gagne 3200 €, les charges communes moyennes sont de 2100 €/mois.
  
  Solution 1 : La part que chacun paye pour les dépenses communes est en pourcentage du revenu.
  A paie 700 €, B qui gagne le double, paie le double soit 1 400 €
  Vous remarquez que si on raisonne en pourcentage du revenu, il restera à A pour ses dépenses personnelles 900 euros, alors que B jouira de 1800 euros. Est-ce juste ?
  
  Solution 2 La part que chacun met au pot commun est établie de façon à ce qu’il leur reste le même montant pour les dépenses personnelles.
  A paie 250 €, B paye 1850 €. Résultat des comptes, il reste à chacun 1 350 € pour ses dépenses personnelles. Là c’est égalitaire.
  À vous deux de décider où mettre le curseur entre ses deux solutions.