Le 25 mai 2018
PRAIRIES FLEURIES attitude
Où sont les bouquets d’antan ? Si le promeneur voit de grandes surfaces en herbe homogènes, le naturaliste et l’agriculteur perçoivent des différences significatives : il y a ‘prairies’ et ‘prairies’. Une prairie dite « permanente », aux surfaces non retournées depuis cinq ans, présentera une diversité floristique plus riche qu’une prairie dite « temporaire », constituée de plantes fourragères productives.
Dans le monde, à travers la quasi-totalité des lieux où les sols sont favorables et situés dans des zones planes et pas trop arides, les steppes et prairies naturelles ont généralement été défrichées pour laisser place aux grandes cultures céréalières. Les dernières et véritables prairies naturelles sont aujourd’hui circonscrites aux zones de steppes (Sibérie, Russie, Mongolie, Amérique de Nord, Argentine…) pâturées par de grands troupeaux d’herbivores domestiques ou sauvages, sinon dans des secteurs aux conditions écologiques drastiques ne permettant pas l’installation de la forêt ou toute autre végétation (altitude, sécheresse, vent, gel, sel…). Dans le Massif central, les prairies que l’on observe aujourd’hui sont pratiquement toutes issues de défrichements anciens (Néolithiques) postérieurs à l’installation d’une végétation forestière qui avait elle-même supplanté les steppes originelles. Ces prairies ont été façonnées par l’homme pendant des millénaires et se sont progressivement enrichies d’espèces des steppes initiales (graminées, tulipes…), de zones rocheuses (thyms, potentilles, oeillets, polygales…) et de forêts (narcisse, jonquille). La composition floristique de ces prairies s’est progressivement adaptée aux pratiques agropastorales mises en œuvre.
Si le promeneur voit de grandes surfaces en herbe homogènes, le naturaliste et l’agriculteur perçoivent néanmoins des différences significatives. Il y a « prairies » et « prairies »… Les « prairies permanentes » désignent toutes les surfaces en herbe non retournées depuis 5 ans. Elles incluent des « prairies temporaires », très peu diversifiées et constituées de plantes fourragères productives (absence de plantes à fleurs vitales pour les insectes) et des « prairies semi-naturelles » dont la diversité dépend également des pratiques agricoles. Aujourd’hui, l’augmentation de la fertilité des sols (lisiers, engrais minéraux…), la précocité de la fauche pour l’ensilage et le retournement au profit du maïs conduisent à une raréfaction drastique des plantes à fleurs autrefois si abondante dans les bouquets de nos grand-mères (marguerites, centaurées, narcisses…).
D’un point de vue agricole, on distingue également les prairies de fauche, principalement utilisées pour la production de foin, des prairies pâturées où les troupeaux paissent une partie de l’année. Dans le premier cas, l’herbe est coupée de manière homogène et soudaine, dans le second, l’herbe est sélectionnée et broutée de manière continue et par les troupeaux. Ces deux modes de gestion engendrent une composition floristique particulièrement différente.
Ces prairies, de par leurs caractéristiques pédologiques, climatiques et agricoles différentes, permettent d’abriter et de nourrir une grande diversité d’espèces végétales et animales. Parmi elles, de nombreux insectes (dont les abeilles), pollinisateurs ou détritivores, qui vont eux même servir de nourriture aux oiseaux, chauves-souris ou autres petits mammifères. En tant que premier maillon de la chaine alimentaire, elles jouent donc un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre de ce réservoir de biodiversité. Malgré la perte de leur diversité elles couvrent aujourd’hui 40 % de la surface du Massif central et héberge un quart de la biodiversité régionale !
Les prairies sont également des milieux essentiels pour la protection des sols. Elles limitent son érosion et sa pollution grâce aux systèmes racinaires des végétaux, véritables filtres et stabilisateurs. Mais aussi, en jouant un rôle « tampon » lors des inondations. Elles participent également, de manière conséquente, au stockage du carbone atmosphérique.
Malgré cela, les prairies naturelles tendent à disparaitre avec le temps. Les causes sont diverses ; comme la diminution du nombre d’agriculteurs dans les gorges provoquant le retour de la forêt sur les milieux ouverts délaissés, le changement des pratiques agricoles à travers plaines et plateaux (intensification, retournement pour une meilleure productivité, culture de maïs…), l’urbanisation : chaque seconde en France la surface d’un studio de 19m2 est bétonné !
Afin de préserver ces milieux emblématiques de nos territoires, il est possible d’agir dans son quotidien. D’abord, en privilégiant la consommation de produits alimentaires issus de pratiques biologiques et d’élevages de plein air. Dans son jardin, il est possible de créer une prairie fleurie (implantation naturelle !) : il suffit de laisser le temps de fleurir vos pelouses en diminuant et en retardant la tonte, en bannissant l’utilisation de phytosanitaire afin de laisser les insectes faire leur travail de pollinisateurs. Il est également conseiller d’exporter la tonte hors de la parcelle : l’appauvrissement du sol permettra la régression de plantes très (trop) compétitrices comme les pissenlits, les trèfles (habituellement facilitées par le mulching) au profit de l’installation de plantes plus rares et fragiles qui, d’ordinaire, n’arrivent pas à s’étendre : campanule, achillée, gaillets, marguerites, sauges, pimprenelles, knauties, thyms, polygales, origans, orchidées, oeillets…
Franck CHASTAGNOL & le Conservatoire botanique national
du Massif central
Posté par Strada Muse