Le 26 juillet 2024
EDITO STRADA N°65 – ÉTÉ 2024
S’il y a une phrase que je veux supprimer de mon répertoire cet été, au moment de profiter de la longueur encore intéressante du jour et de la douceur des températures, c’est celle-ci : Fais du mieux que tu peux.
Certains y voient un accompagnement doux, d’autres une injonction à faire toujours plus.
Pour les perfectionnistes, les jamais satisfaits d’eux-mêmes et la plupart d’entre nous, cette phrase peut être ressentie comme terriblement contraignante, épuisante et culpabilisante : J’aurais dû travailler plus, faire plus attention à cette situation, ai-je assez écouté ma compagne-mon compagnon ? répondu aux besoins de mon enfant ?
À chercher sans cesse comment faire mieux, on risque de se brûler les ailes.
En 1953 le pédiatre philosophe et psychanalyste Donald Winnicott publiait son ouvrage « La mère suffisamment bonne ». Il expliquait qu’en matière d’éducation, il ne fallait pas viser la perfection, l’amour incommensurable et la bonté infinie. Le trop d’amour donne à l’enfant l’illusion d’un sentiment de toute puissance alors que le trop peu d’amour le fait souffrir et l’angoisse. La bonne réponse réside dans l’équilibre « Ni trop, ni trop peu ». Elle prend aussi en compte les sentiments contraires qui nous traversent, parfois chargés de négativité. En acceptant cette autre face de nous-mêmes, nous renouons avec notre complétude. Notre progéniture en tire bénéfice, mais nous aussi !
Expérimentons ce concept éducatif dans nos relations, sans s’oublier soi-même.
Au lieu d’une communication lissée par un parti pris de bienveillance — en ce moment tous les e-mails commencent par « Comment allez-vous ? » — arrêtons de nous demander comment nous allons, et… allons !
Au lieu de proposer toujours plus « pour faire plaisir », mettons simplement en œuvre le « suffisamment bon ». Cela passe par des expériences gratifiantes : se réjouir d’un nouvel hôtel à insectes dans son jardin (p. 25) même si notre dernier voyage en a occis quelques centaines, réussir l’isolation de sa maison même si on n’a pas pu acheter la matière éco qu’on voulait (c’est le cas d’Agathe pp. 14-23), et quand bien même votre enfant serait d’humeur chafouine, lisez la rubrique de Coral « Parents, vous êtes en train d’apprendre » (p. 38).
Ne pas s’obliger à toujours faire du mieux qu’on peut ce n’est pas baisser les bras. Au contraire. À Strada, c’est prendre le monde par fragment, comme il vient, et partager avec vous des initiatives qui se contrefichent de consommer ou de prendre le pouvoir. Dans nos pages, pas d’affrontement mais des expériences locales inspirantes, des solutions sobres, des coopérations enrichissantes… J’ai envie de vous dire que c’est un bon début mais que ce n’est pas suffisant alors que je viens d’argumenter l’inverse. Difficile de changer de paradigme. Parfois il faut laisser les choses arriver à leur rythme, avoir confiance dans le processus et juste l’accompagner…
Edito STRADA n°66 – été 2024
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FAIRE AVEC MOINS, C’EST MIEUX. FAIRE AVEC MOINS NOUS REND PLUS HEUREUX.
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Posté par Joëlle Andreys