Le 02 décembre 2021
Resté dans son jus pendant des décennies, cet ancien café-hôtel-restaurant de la place Chatiague à Tence vit une nouvelle jeunesse suite à sa transformation en chambres d’hôtes…
Catharine Jalaby, sa nouvelle propriétaire, n’en est pas à son coup d’essai. Elle a déjà réhabilité plusieurs de ses anciens lieux de vie, en s’adonnant à sa passion de la brocante et en laissant libre cours à ses idées d’up-cycling. C’est cet aspect multi-activité que l’on aime particulièrement dans cette demeure : d’un côté, la mise en valeur du bâti ancien, avec des clins d’œil à l’histoire, de l’art nouveau aux années cinquante ; de l’autre côté, une rénovation écologique avec le confort et les fonctionnalités d’aujourd’hui.
La maison est traditionnelle : des murs de granit, une charpente en bois et une toiture de lauzes de phonolite. Une marquise de métal et de verre nous ramène en arrière, un jour de marché à bestiaux, des chalands et des badauds se pressent sur la place, alors que d’autres se rafraîchissent et se restaurent. La maison d’hôtes actuelle ne trahit pas l’esprit du lieu.
Dans la lignée des Tiers Lieux
Ingénieure culturelle, Catherine a décelé un potentiel de transformation dans la lignée des tiers-lieux. La structure rassemble donc plusieurs activités, un espace de télétravail et un espace culturel coexistent au rez-de-chaussée. Son fils David, avec lequel elle est associée, amène un autre service, touristique celui-ci ou de loisirs : la location de vélos occupe l’ancienne cave. A l’étage, trois chambres d’hôtes de caractères, bientôt quatre. Sous la magnifique charpente apparente, un espace ouvert.
La location de vélos occupe l’ancienne cave.
Au rez-de-chaussée : une cuisine, l’espace de télétravail et lieu d’exposition.
A l’étage : les chambres d’hôtes. Illustrations Caroline Bonnet – Pignon sur Champ
Dialogue avec les jeunes architectes
« Je n’ai pas de compétences techniques, précise la propriétaire, alors le résultat de chaque réhabilitation résulte d’un dialogue avec l’architecte. » En l’occurrence, il s’agit d’un groupe d’architectes. « En général, j’aime bien l’intergénérationnel. Via une amie, j’ai soumis mon projet à de jeunes architectes pas encore DPLG. Le collectif Pignon sur champ s’est formé pour répondre à ma demande. J’aime cette génération sensible au recyclage et à l’upcycling. » (NDLR : l’upcycling, ou surcyclage, désigne le fait de transformer un produit pour lui donner une seconde vie. Il s’agit d’un mode durable par opposition au mode jetable.)
Ouvrir l’espace
La maison a été rendue traversante en supprimant le mur médian. Le sens des poutres nord-sud dans la chambre de l’ancienne mamie, et est-ouest dans ce qui était le café, rappelle la préexistence de deux maisons, comme le mentionne le cadastre napoléonien. Une porte en accordéon permet d’isoler une salle de réunion selon les besoins des coworkers.
Bien que la maison soit située dans le périmètre de la chapelle des pénitents, inscrite aux Monuments historiques, l’autorisation a été donnée de transformer ses fenêtres à petits carreaux en fenêtres d’un seul tenant, ce qui fait que leur vitrage plein cadre à tous les étages et les vitrines du rez-de-chaussée accueillent largement la lumière. Catherine nous a raconté l’histoire des garde-corps, qui illustre bien son esprit d’à-propos : « On a découvert un bout de ferraille, et il s’est avéré que ledit bout de ferraille était en fait un garde-corps d’époque qui a ensuite servi de modèle au forgeron pour habiller toutes les fenêtres de la bâtisse. Cette commande a redonné du caractère aux ouvertures ».
A retenir : rien ne se jette d’emblée, on réfléchit d’abord à une réutilisation possible.
Solutions de sols : d’époque
Un dalami pourri, ancêtre des sols vinyles, a été arraché. Au-dessous, un béton laissait apparaître un peu de bois. Catherine a tenu à ressusciter le parquet d’origine en l’extirpant de sa gangue de béton. Quelques traces de cet outrage lui confèrent un aspect cérusé, tout à fait charmant.
« Conserver tout ce qui peut être sauvé. Mettre en valeur ce qui peut l’être. »
Dans la salle, le sol terrazzo, honni un temps, a été remis à l’honneur après un gros nettoyage au savon noir. Ce type de revêtement de sol granité, mélange de fragments de pierres colorées avec un liant ciment et poli en surface, est connu depuis l’antiquité, mais est surtout typique des années 20, puis des années 80, et comme la mode est un éternel recommencement, le voici de nouveau plébiscité dans les intérieurs les plus contemporains.
En revanche, à l’étage, là où aucun sol n’était récupérable, Catherine a fait un choix osé. Des panneaux d’OSB en lamellé-collé sont utilisés comme dalle de plancher, laissée à l’état brut, juste vitrifié incolore. Ces panneaux sont généralement utilisés pour la construction de maison en ossature bois, ils font un peu figure de parents pauvres… Pour autant, ils sont fidèles à la débrouillardise.
Solution de fond : gérer l’humidité.
A une époque où ce fut la mode, le mur sud a été recouvert d’un crépi béton, empêchant la maison de respirer. Les murs ont été endommagés, gorgés par l’eau qui remonte dans les murs et ne trouve à s’échapper. Il a donc d’abord fallu ‘décroûter’ l’ensemble pour remettre la pierre à nu. Puis, après plusieurs semaines, une fois l’humidité rendue, les murs ont été isolés en laine de bois doublée d’un pare-vapeur et de placoplâtre, sans perdre en surface habitable pour autant.
Les poutres d’origines
Sous un faux plafond, les poutres d’origine ont été retrouvées. Poncées grossièrement, ou juste lessivées pour garder les empreintes d’une peinture ‘au peigne’, elles collaient parfaitement à l’ambiance rustique souhaitée. En revanche, c’était un désastre au niveau phonique, et quand il s’agit de louer des chambres…, on ne peut pas faire l’impasse. Une isolation en fibre de bois a été rajoutée entre les poutres.
« J’ai choisi un produit bio sourcé, naturel, que mon plaquiste utilisait pour la première fois. Il a trouvé cela aussi simple à poser que la laine de verre habituelle, mais beaucoup plus sain et confortable à travailler. »
Plus cher ? 500 euros de plus. Une dépense qui revêt un « caractère militant » pour la propriétaire, mais qui constate qu’ « à l’échelle du chantier ce n’était pas un choix financier insurmontable ».
Préserver le maximum de choses
Dans les anecdotes rigolotes du chantier et qui illustrent bien la façon de faire de Catherine, on retient celle du panneau en lambris. En bas des murs de ce qui est la salle commune, un panneau tout simple en lambris d’un seul tenant allait être arraché. Ben oui, c’est du lambris. Eh bien non. Il a fallu le décrocher sans l’abîmer, le nettoyer et le remettre tel quel. Mais pas tout à fait. Juste repeint en blanc. Un choix qui ne tombait pas sous le sens pour l’entreprise de plâtrerie-peinture, pragmatique.
« On s’enquiquine à préserver des choses, insiste Catherine, mais ça en vaut la peine. »
Précise, elle a demandé que la salle soit peinte en blanc nuancé. Le procédé est à peine perceptible, mais chacune des trois teintes de blanc accroche la lumière de façon différente, animant subtilement la pièce.
Ici, on aime le Formica®
A l’origine, la société Formica fabriquait des isolants électriques. Elle a eu l’idée de lithographier son millefeuille de kraft recouvert de résine mélamine. Lancé à partir des années 30, ce nouveau type de décor thermodurci est devenu la star des intérieurs des années 50, déclinés dans des teintes pop acidulées, mais pas toujours top. Catherine n’a pas conservé le bleu layette qui ornait le buffet de la cuisine de la maison Chatiague, mais a demandé à un artisan de le remplacer par la même matière dans un vert beaucoup plus appétissant. L’îlot central qui répond aux besoins d’aujourd’hui a quant à lui été recouvert de la même façon.
Quant à la crédence, elle a surpris le jeune carreleur qui a dû commencer par casser un stock de carreaux en bon état, avant de les rassembler en mosaïque, selon la technique du casson.
Un coût raisonné
Catherine Jalaby pense avoir économisé 30 000 € grâce à ses choix de recycling, même si sur certains postes, comme la robinetterie ou l’isolant naturel, elle n’a pas hésité à acheter de la qualité, plus chère que des matériaux plus classiques.
Coût de la restauration ? 120 000 euros environ. Une somme transvasée dans l’économie locale en faisant travailler les artisans du coin.
La maison fourmille d’idées déco
Pour ne pas perdre de la largeur dans l’escalier, la rampe d’origine déposée pour doubler le mur a été déplacée sur la droite, plus logique. La toile de jute murale préservée, repeinte en blanc.
Une tête de lit est utilisée comme panneau décoratif du bureau.
Luminaire opaline, câble déco, céramique moderne.
Chambre le Corbusier
Une œuvre d’importance mondiale à Firminy.
Une lampe Charlotte Perriand posée sur un regard en béton.
Un vieux radiateur, simplement nettoyé au Kärcher
Tabouret industriel.
Lampe articulée Adher chinée chez son amie Sophie de la brocante Espace Temps au Chambon-sur-Lignon.
Chaise sans doute de Pierre Garriche de l’équipe le Corbusier, qui a fait la Maison de la culture à Firminy.
Chambre Albert Camus
Inspirée par un des grands penseurs qui a séjourné sur le plateau : c’est à Pannelier qu’il aurait écrit une bonne partie de La Peste.
La petite table contenait un pot de chambre.
Les bureaux et les lampes étaient dans la maison, ces dernières ont été retravaillées avec du câble décoratif et l’ajout d’une céramique. les autres objets chinés sont à vendre.
Chambre Libellule, elle donne sur la rivière.
Une magnifique céramique artisanale jointoyée au cordon.
Un lit en 2 x 90 permet de moduler l’accueil.
Buffet aux pieds crayons.
Lampe industrielle Holophane, spécialiste du verre, diffracte une lumière très douce.
Les plaques de portes en verre ont été chinées sur Le bon coin.
Posté par Joëlle Andreys