Allègre, petite cité de caractère, parait le bout du monde pour les étrangers. À seulement une demie heure du Puy, elle est néanmoins à l’écart des routes principales qui vont à Brioude ou à la Chaise Dieu. On y vient attiré par son site exceptionnel : un volcan de type strombolien qui abrite en son coeur une tourbière, une superbe hêtraie et l’insolite vestige du château, une sorte de portail intemporel qui coiffe le mont Baury. Sur sa pente, s’étale le village médiéval. Découvez la maison de Valentine et Nicolas.
vers un projet bio climatique
« Au départ, en mars 2020, on cherchait une maison à rénover » raconte Valentine. Or, ils vont changer d’avis. Les gros travaux que nécessitent la transformation d’une grange en habitat, les exigences thermiques et le manque de lumière… tout cela n’est pas vraiment compatible avec leurs moyens et leurs envies. Mais Valentine est curieuse et opiniâtre. Inspirée par une information sur une maison bio-climatique, elle suit une formation en ligne sur les fondamentaux des bâtiments écologiques. Changement de cap. Le couple opte pour la construction d’une maison bio climatique. Ils rêvaient d’une maison en pierre, isolée dans la campagne, ils orientent désormais leurs recherches vers un emplacement proche du village, plus sécurisant, d’où ils pourront tout faire à pied. « On a loué une maison dans le village, et sollicité le maire pour trouver un terrain. » Celui-ci est parfait, orienté au sud, protégé des vents du nord par le mont Baury, à l’ouest par la grange des voisins… qui s’avèrent sympathiques et accueillants.
Qui sera leur architecte ?
Tout d’abord, le courant passe bien avec l’architecte et géobiologue Carine Bernard .Cependant elle ne s’engage pas sur la maitrise d’ouvrage, qui leur semble indispensable, n’étant pas d’ici. Le cabinet d’architecture Camaleón à Brioude répond à leurs attentes et assurera le suivi du gros oeuvre. (Marion Huyghe et Elodie Taton, les associées de la SCOP Camaleón. Ils interrogent les contraintes de la localisation en secteur remarquable et présentent les premières esquisses… C’est ensuite l’étude thermique et la consultation des artisans, des partenaires de confiance.)
Le contrat avec l’architecte, souple, permettait de changer d’avis concernant la deuxième phase du chantier. Ainsi, Valentine et Nicolas ont suivi eux mêmes le second oeuvre, fait leurs peintures. Mais aussi réalisé le doublage en chaux de certaines cloisons, et se sont improvisés carreleurs.
« Vous êtes fous! » leur a lancé un carreleur lorsqu’il a vu l’état des tomettes destinées au sol de la pièce principale. Quand on aime on n’est pas regardant, n’est ce pas ? Le jeune couple rêvait de cachet ancien, leurs tomettes de récup’ posées sur lit de chaux n’étaient pas négociables. On vous en dit plus un peu plus loin sur ce chantier délicat fait maison.Bien qu’il faut comprendre, c’est que cette maison neuve a des allures de rénovation. Et c’est grâce à quelques choix audacieux : le carrelage en terre cuite. Un mur de refend en pierre, des menuiseries massives…
les bonnes idées de leur maison
L’emplacement est dessiné légèrement en contrebas du terrain, dans l’alignement des voisins. On accède à la maison en traversant un bout de jardin avec un beau cognassier, un préau au nord donne dans la rue par une petite porte. Les voitures se garent discrètement à l’ouest.
Des dépendances existaient déjà sur le terrain ; le charme des vieilles pierres est présent avec une petite bâtisse de 30m2 sur 2 niveaux, une future chambre d’ami est prévue à l’étage. Ainsi la surface habitable dévolue à la nouvelle maison est optimisée : 115 m2 sur 2 niveaux avec trois chambres.
L’étude de sol fait apparaitre 2 mètres de terre sur lit d’argile puis de l’eau. Il faut construire sur pilotis. Des pieux en acier de haute résistance, vissés dans le sol, supportent l’ensemble des charges de la structure via poutrelles et hourdis et une dalle de béton dont la masse est réduite au strict minimum.
L’ossature bois a été fabriquée en atelier par la menuiserie Valentin à Langeac. La maison a été livrée en kit. En seulement quelques jours murs et toit étaient posés, un pare pluie protégeant les panneaux de contreventement en OSB. Impressionnant de rapidité.
La façade arbore un orange foncé peu vu dans la région. Pourquoi ce choix ? Pour privilégier le confort d’hiver. Les couleurs soutenues absorbent la chaleur transmise par les rayons solaires. L’architecte des bâtiments de France (le site est protégé) n’a rien trouvé à redire, aux brise-soleils orientables extérieurs non plus. Par contre, pour respecter l’harmonie patrimoniale du village, les volets en bois sont de rigueur.
» Dans cette maison, on a le goût des choses simples et naturelles «
Un toit terrasse végétalisé donne une belle perspective à la mezzanine et minimise l’impact de la construction neuve sur l’environnement ; elle limite l’artificialisation du sol, contribue à la gestion de l’eau pluviale et absorbe la chaleur de façon naturelle. Par dessus l’étanchéité en EPDM, ont été posé un géo textile drainant puis de la pouzzolane avec du composte ( acheté en vrac chez Vacher) pour accueillir les petits plants de sédum. Le manitou du menuisier, arrangeant, a bien rendu service pour monter le tout sur le toit.
La maison de Valentine et Nicolas
L’isolation est en laine de bois pour les murs et dans les combles, de la ouate de cellulose a été simplement projetée.
Les cloisons ont été montées en Fermacell®, des panneaux de fibres-gypse. Ils sont plus résistants que les traditionnelles plaques de Placoplatre®, présentant des qualités acoustiques et d’inertie très intéressantes. Leur poids, par contre, rebute les artisans. C’est finalement l’entreprise Branche à Saint Paulien qui a réalisé cette phase du chantier.
Doublage en chaux chanvre pour une meilleur confort d’été. Les cloisons en Fermacell® sont supportées par une structure de bois massif. Mesurant 70, 110 et 200 d’épaisseur au lieu des 45 mm classiques. Elle sert de coffrage au mélange de chaux chanvre expérimenté par Valentine et nicolas. Les néophytes ont mis un peu de temps pour mettre au point leur recette. Donnant à leur cloison une allure de paysage de montagne au petit matin, les lignes de crête correspondant à l’évolution du mélange…
du neuf avec le cachet de l’ancien dans la maison
On aime le mur de refend en pierre derrière le poêle à bois. Une envie qui a germé grâce à un article paru dans STRADA sur une maison bioclimatique. Elle arborait un mur de ce type, parfait pour stocker la chaleur d’une bonne flambée l’hiver. On est fier d’avoir participé à notre façon à la réussite de cette maison ! Mais ce n’est pas nous, mais bien eux, qui ont monté pierres par pierres ce mur joliment jointoyé.
Dans la salle de bain et les WC, on remarque au sol les plaques de lièges hydrofugés. Elles font une alternative chaleureuse au classique carrelage. Du béton ciré au mur donne un effet tadelack en se passant de longue mise en oeuvre.
Dans la cuisine, Valentine et Nicolas ont su composer avec rationalité et coup de coeur. Même si les plans de travail aussi sont faits par le menuisier, ils encadrent avantageusement un grand évier chiné. Ici, on a le goût des choses simples et naturelles. Une gelée de coing repose dans une grande bassine de cuivre…
C’est une maison agréable à vivre. Lumineuse. Chaude l’hiver et fraiche l’été.
« Ce premier été nous avions entre 22°C et 24°C dans la maison. Nous avons atteint un pic de 26°C au bout de 10 jours de canicule. Les nuits sont fraîches à Allègre, les courants d’air nocturne rafraîchissent la pierre et les tomettes de la maison. L’hiver, ses occupants se sentent confortables à 19°. Il atteints avec un poêle à granulés de 6 kW (Le Comptoir du poêle à bois). Grace aux apports solaires, la température monte jusqu’à 22°C . « Le premier hiver a été plutôt nuageux mais pendant la semaine de grand beau en février. Le poêle n’a pas eu besoin de tourner » observent-ils.
Au final, la performance énergétique s’est avérée supérieure à l’attendu. Il faut dire que c’est la meilleure étanchéité à l’air réalisée à ce jour par le menuisier. Au delà des seuils de la RT 2020. Donc l’observation des principes bio-climatiques et la justesse des choix de matériaux naturels sont encore une fois validées par l’expérience.
» C’est une maison agréable à vivre. Lumineuse »
Le travail un peu fou de pose de tommettes de récup’
C’est vrai qu’elles sont mignonnes ces tommettes. Ces carreaux artisanaux de terre cuite aux contours imprécis, portent une histoire qu’ils déclinent en signes visibles du temps. En dégradé de couleurs beige rouge.Mais leur mise en oeuvre est longue et ponctuée d’aléas. 10 jours de travail pour poser 40 mètres carré à plusieurs.
1.D’abord on les trie, on choisit ceux qui iront ensemble, 4 m2 par 4 m2. Pour une technique de pose dite « à l’avancée. »
2.Dessiner les deux axes qui serviront de repères.
3. On fait tremper les carreaux dont on a besoin la veille. Il faut savoir que la terre cuite, non enduite, se fixe par capillarité.
4. Préparation de la chape à la chaux qui fait aussi office de colle
5. Pose. Les carreaux sont déplaçables 1 heure après les avoir posé sur leur lit de colle à la chaux. C’est une particularité bien appréciable. Parce que leur épaisseur variable. Leurs formes non académiques impliquent d’y revenir à plusieurs fois.
6. Finition avec des joints à la barbotine
7. Nettoyage du chantier
d’autres photos ⤵️
Posté par Joëlle Andreys