Le 31 octobre 2012
« Serpents », une exposition multiforme supervisée par Emmanuel Magne
Image costume de Courtol
Dès que le thème de l’exposition a été évoqué, nous avons remarqué un certain rejet. L’animal dérange et effraie, constate le commissaire d’exposition, et cela ne date pas d’hier. J’ai découvert le serpent il y a deux ans, poursuit l’Emmanuel Magne, avec le costume de Jean-Baptiste Courtol (1834-1902) issu des collections du musée Crozatier. Ce vipéricide célèbre au Puy-en-Velay s’était confectionné un habit cousu de plus de 900 peaux de serpents pour faire la démonstration de son savoir-faire. L’homme s’exhibait vêtu de son étrange costume sur la place du Puy, une sorte de préfiguration de performance artistique, interpellant les passants et offrant ses services hors-norme.
Cette pièce, unique dans son genre, raconte une histoire locale mais renvoie aussi à une forme d’universalité : la complexité de notre rapport à la nature, entre rejet et fascination.
Pour autant, le thème du serpent n’est pas réduit à des histoires véhiculant son côté sombre. Il apparait tout aussi fréquemment en présence tutélaire protectrice et guérisseuse. Même si on le relie à l’histoire biblique, où il se serait fait l’avocat du diable, poussant le couple originel à croquer le fruit de la connaissance, le serpent est aussi le symbole qui nous rappelle notre capacité à raisonner, à peser le pour et le contre, le libre arbitre qui peut trancher entre deux options contradictoires, ou accepter cette dualité comme partie intégrante de notre nature humaine.
Image serpents
L’œuvre de Joana Vasconcelos répond au costume de Courtol. Elle offre à voir deux céramiques habillées d’une parure en crochet, une double peau de coton noire pour l’une et blanche pour l’autre ; se regardant dans les yeux, ces deux serpents s’affrontent-ils ou entrent-ils dans une danse intime ? L’artiste portugaise avait laissé carte blanche à l’équipe du musée pour la mise en scène de cette pièce, sa seule exigence étant de faire ressentir la tension entre les deux serpents. Le face-à-face du noir et du blanc, troublant, rend bien cette idée de complémentarité contradictoire
De l’antiquité à nos jours, la figure du serpent traverse les civilisations et les arts. On l’imagine souvent froid et gluant, comme pour mieux le dépeindre en antithèse de l’homme. Il existe pourtant autant d’histoires présentant le serpent comme un être maléfique que comme un être bienfaisant. L’exposition Serpents du musée Crozatier associe des œuvres de différentes époques, des amphores grecques à l’art déco et contemporain, des objets usuels ou rituels aux flûtes d’histoire naturelle, ces bocaux remplis de liquide dans lesquels sont conservés d’étranges spécimens. Fascinant.
Légendes
– Photographe belge Carly
– Un peau à peau qui illustre la réconciliation de l’homme et du serpent.
– Instrument de musique, ancêtre du basson, fabriqué à Villefranche-de-Rouergue au XIXè siècle. Un dispositif sonore permet d’entendre sur place le son de l’instrument.
– Ses enroulements sont autant de circonvolutions qui se prêtent aux arts décoratifs. Un grand bassin de Gisèle Garric réalisé spécialement pour l’exposition Serpents. On est bluffé par le réalisme de l’effet humide et luisant.
– Objets rituels de protection : canne de sorcier, fauteuil de guérisseur et pierres à venin locales…
– Serpentine ? Œuvre créée spécialement pour cette exposition de la céramiste Arlette Simon, installée au Chambon-sur-Lignon.
– Nikky de Saint Phalle
– Fauteuil. Le serpent a une présence forte dans son œuvre.
– Kate MccGwire
– Sculpture d’enroulement gravée d’un motif de plume de faisan.
– Pierres à venin. Bien connues en Ardèche et Haute-Loire ; portées par les humains ou autour du cou des animaux, elles faisaient office de protection, ou bien en tisanes et applications locales si on s’était fait mordre. Le musée recherche des trousses de pierre à venir.
Posté par Joëlle Andreys